Suicide d’Evaëlle, 11 ans : le procès de l’enseignante pour « harcèlement moral sur mineur » s’ouvre ce lundi

Ce lundi, le tribunal correctionnel de Pontoise accueillera le procès d’une enseignante accusée de harcèlement moral sur mineur.

Evaëlle, une collégienne de 11 ans s'est suicidée à la suite de harcèlement scolaire © LE FACTUEL /LF-DB
Evaëlle, une collégienne de 11 ans s'est suicidée à la suite de harcèlement scolaire © LE FACTUEL / LF-DB

L’affaire remonte à juin 2019, lorsque Evaëlle Dupuis, une collégienne de 11 ans, a mis fin à ses jours à son domicile d’Herblay, dans le Val-d’Oise. Un drame survenu après des mois de souffrances à l’école, entre brimades de ses camarades et tensions avec ses enseignants, dont la mise en cause fait aujourd’hui l’objet de cette procédure judiciaire.

Le calvaire d’Evaëlle : de l’école primaire au collège Isabelle-Autissier

Le 21 juin 2019, le père d’Evaëlle découvre sa fille pendue dans leur maison. Une scène tragique qui survient après plusieurs mois de souffrance psychologique intense vécue par l’adolescente. Dès son entrée en sixième, Evaëlle, qui souffrait de difficultés sociales, était confrontée à des moqueries incessantes de la part de ses camarades. Déjà victime de brimades à l’école primaire, elle pensait pouvoir échapper à cette violence dans son nouveau collège, mais ce ne fut pas le cas.

En parallèle, Evaëlle faisait face à des tensions avec son enseignante de français, Pascale L. Le problème résidait principalement dans la gestion d’un protocole médical en raison de douleurs persistantes au dos de l’adolescente. Selon l’ordonnance de renvoi, l’enseignante est accusée d’avoir « humilié régulièrement » Evaëlle, notamment en l’isolant au fond de la classe et en l’exposant à des situations embarrassantes devant ses camarades.

Humiliation et dégradation de l’état mental

L’un des épisodes les plus marquants de cette tragédie a eu lieu lors d’une séance consacrée au harcèlement scolaire, où l’enseignante a demandé aux élèves de partager leurs reproches à Evaëlle, une démarche qui a profondément perturbé la jeune fille. En pleurs, Evaëlle a été contrainte de répondre aux questions de ses camarades sous l’énervement de son enseignante. Ce moment d’humiliation a été décrit par plusieurs élèves comme un élément aggravant dans la dégradation de l’état mental de l’adolescente, qui s’est peu à peu isolée, jusqu’à sombrer dans une détresse profonde.

La juge, dans son ordonnance, relève que cette situation a eu « un effet dévastateur » sur Evaëlle. Les autorités judiciaires pointent du doigt un harcèlement moral de la part de l’enseignante, ce qui aurait contribué à la détérioration des conditions de vie de la collégienne.

L’enseignante face à la justice

Dans une déclaration transmise, Pascale L., l’enseignante a nié les accusations portées contre elle, affirmant : « Je conteste ces faits. J’ai adoré mon métier et je l’ai exercé avec passion. » Bien qu’elle ait été initialement poursuivie pour « homicide involontaire« , les charges ont été abandonnées à l’issue de l’instruction, la juge estimant qu’il était « impossible de déterminer les éléments précis ayant conduit à la mort d’Evaëlle« .

L’enseignante, bien qu’expérimentée, sérieuse et dynamique selon son dossier administratif, est accusée de comportements violents et dégradants à l’encontre de plusieurs élèves, dont Evaëlle.

Depuis 2021, l’enseignante est interdite d’enseigner auprès de mineurs et a été contrainte à une obligation de soins psychologiques. Les conséquences de cette affaire résonnent au-delà de la sphère judiciaire. L’Education nationale a indemnisé la famille d’Evaëlle au titre du préjudice moral, mais cette indemnisation n’efface pas la douleur ni l’injustice ressentie par ses proches.

Les parents d’Evaëlle, soutenus par leur avocate, espèrent que ce procès permettra de mettre en lumière les failles de l’institution scolaire. Le harcèlement scolaire, longtemps minimisé, est désormais reconnu comme un délit, une avancée législative importante, mais qui n’efface pas la douleur des victimes et de leurs familles. Les parents d’Evaëlle ont porté plainte contre des élèves en février 2019, avant de retirer leur fille du collège. Cependant, celle-ci n’a pas pu échapper à la violence d’un autre établissement, ce qui a aggravé sa souffrance.

L’espoir d’un changement durable

Ce procès ne vise pas seulement à juger l’enseignante, mais aussi à provoquer une réflexion plus large sur la manière dont l’école et ses acteurs répondent au harcèlement scolaire. Selon l’avocate des parents d’Evaëlle, « l’espoir de ce procès est d’établir les défaillances multiples de l’institution« , que ce soit à travers l’incapacité à prévenir le harcèlement, ou à gérer adéquatement les situations de crise. Pour les familles touchées, ce combat juridique est bien plus qu’une simple procédure : il s’agit de garantir que de telles tragédies ne se reproduisent plus.

Isabelle Lampart