Pendant deux mois, la cheffe de file du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, et plus de vingt autres prévenus, dont des cadres et collaborateurs du parti, devront répondre de graves accusations de détournement de fonds publics. En cause, l’utilisation présumée de fonds européens pour financer des employés du RN entre 2004 et 2016, une pratique que les accusés nient fermement.
Une accusation d’envergure
La question centrale de ce procès est de déterminer si un « système » a été mis en place au sein du RN pour utiliser l’argent du Parlement européen à des fins internes au parti. Parmi les prévenus figurent neuf anciens eurodéputés, dont Marine Le Pen elle-même, son compagnon et vice-président du parti Louis Aliot, ainsi que l’ex-numéro deux du RN, Bruno Gollnisch. À leurs côtés, 12 assistants parlementaires et quatre collaborateurs du parti sont également sur le banc des accusés.
Les faits reprochés concernent principalement l’emploi de salariés payés avec des fonds européens pour des tâches internes au RN. Parmi les éléments incriminants, des mails internes montrent des échanges préoccupants : un eurodéputé avertit que ce que Marine Le Pen leur demande « équivaut à signer pour des emplois fictifs« , tandis que le trésorier du parti admet que le RN ne peut se redresser financièrement que grâce à des « économies importantes » réalisées via le Parlement européen. Le préjudice pour le Parlement européen est estimé à plus de six millions d’euros, et celui-ci s’est constitué partie civile.
Marine Le Pen elle-même plaide la légitimité de son action, affirmant qu’il n’y a pas eu de détournement, mais simplement un usage collectif et conforme des fonds européens, destinés à soutenir son parti et ses activités politiques. L’argument selon lequel il s’agissait d’un « sport collectif » est également défendu par d’autres figures du RN, comme Bruno Gollnisch, qui revendique avoir mis son assistant au service de Jean-Marie Le Pen.
De potentielles peines aux lourdes conséquences
Au-delà des enjeux financiers, les peines encourues par les prévenus sont particulièrement lourdes. Marine Le Pen risque jusqu’à dix ans de prison et un million d’euros d’amende. Toutefois, ce qu’elle redoute le plus est la peine complémentaire d’inéligibilité, qui pourrait lui être infligée pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans. Une telle condamnation, surtout si elle est prononcée avec exécution provisoire, aurait des répercussions politiques majeures, la rendant inéligible avant l’échéance présidentielle de 2027.
L’audience, qui se tiendra jusqu’au 27 novembre, est l’une des plus importantes impliquant un parti politique français en matière de détournement de fonds européens. Sa durée de deux mois témoigne de l’ampleur de l’affaire, qui mobilise autant la classe politique que les observateurs européens. Le RN, qui a souvent fait de la lutte contre les élites politiques et bureaucratiques un de ses thèmes de campagne, se retrouve aujourd’hui face à des accusations qui pourraient ternir sa crédibilité auprès des électeurs.