En l’espace de trois jours, deux crimes se sont déroulés dans des quartiers gangrénés par la guerre des gangs. Le procureur de Marseille, Nicolas Bessone, a qualifié ces événements de « sauvagerie inédite », pointant du doigt le recrutement d’adolescents pour commettre ces actes de violence sur fond de rivalité liée au narcotrafic. Un constat glaçant, qui fait ressurgir avec force la question de la criminalité juvénile dans les réseaux de drogue.
Un adolescent torturé et brûlé vif
Le premier drame a eu lieu le 2 octobre. Un jeune de 15 ans, recruté pour 2 000 euros par un détenu lié à la « DZ Mafia », a été chargé d’attaquer un membre d’un clan rival, les « Blacks ». Sa mission : tirer sur la porte d’un appartement à la cité Bellevue et y mettre le feu, tout en filmant l’action. Accompagné d’un autre adolescent du même âge, le jeune s’est retrouvé face à plusieurs individus dans la cité visée. Après avoir été fouillé et démasqué avec une arme de poing, il a été sauvagement poignardé à une cinquantaine de reprises avant d’être brûlé vif. Son compagnon a réussi à s’enfuir, mais a été arrêté peu après et présenté à un juge d’instruction. Il a été placé en centre éducatif fermé pour sa sécurité.
Un chauffeur VTC abattu de sang-froid
Moins de 48 heures après ce premier meurtre, un nouveau crime secoue Marseille. Cette fois-ci, le scénario est encore plus tragique. Un adolescent de 14 ans, recruté pour la somme de 50 000 euros par le même détenu, devait assassiner un membre d’un gang dans la cité Félix-Pyat. Cependant, le tueur présumé n’a pas abattu sa cible, mais son chauffeur VTC, Nessim Ramdane, un père de famille sans lien avec le narcotrafic.
Le 4 octobre, l’adolescent, armé d’un revolver 357 Magnum, a demandé à son chauffeur de s’arrêter dans la cité, sous prétexte d’avoir « quelque chose à faire ». Lorsque celui-ci a refusé de s’immobiliser, l’adolescent lui a tiré une balle à l’arrière du crâne. Le véhicule a poursuivi sa route avant de percuter un mur près d’une école. Nessim Ramdane, décrit comme un homme « sans histoire », éducateur sportif et passionné de football, a été froidement abattu alors qu’il ne faisait que son travail.
Des meurtres symptomatiques de la guerre des gangs
Ces deux meurtres, aussi violents que gratuits, s’inscrivent dans un conflit opposant deux clans : la « DZ Mafia » et le « clan des Blacks ». Leur lutte acharnée pour contrôler les points de deal, notamment à la Belle de Mai, dans le IIIe arrondissement de Marseille, a transformé certaines cités en véritables champs de bataille. Le bilan de ces affrontements est lourd : 17 narcomicides – terme utilisé pour désigner ces règlements de comptes liés au trafic de stupéfiants – ont été recensés depuis le début de l’année.
Si ces chiffres sont en baisse par rapport à l’année précédente (49 morts en 2023), la brutalité des récents assassinats inquiète profondément. Les autorités constatent un phénomène d’« ultrarajeunissement » des auteurs. En effet, les deux tueurs présumés sont des adolescents de 14 et 15 ans, manipulés et rémunérés par des adultes déjà bien implantés dans les circuits du crime organisé.
Des enquêtes en cours, une ville sous le choc
L’arrestation des deux mineurs impliqués dans ces affaires soulève de nombreuses questions sur la manière dont ces jeunes sont enrôlés dans la spirale de la violence. Les autorités cherchent également à comprendre les motivations du commanditaire, incarcéré à Aix-Luynes, qui a fini par dénoncer son tueur à gages. Le procureur a déploré l’« amateurisme effrayant » de ces jeunes criminels, dont les actions ont coûté la vie à deux personnes en seulement trois jours.
Les hommages se multiplient en mémoire de Nessim Ramdane, victime innocente de cette guerre des gangs. Ce père de famille et passionné de football laisse derrière lui une communauté en deuil. Ce dimanche 6 octobre, une minute de silence sera observée lors du match opposant le Carnoux FC, son ancien club, à Luynes.
Une violence en mutation
Ces meurtres marquent un tournant dans la guerre des clans marseillais. Les méthodes deviennent plus radicales et la jeunesse des recrues plus alarmante. Pour les autorités, il est urgent d’adresser cette dérive qui mêle à la fois précarité, criminalité organisée et absence de repères pour certains jeunes issus des quartiers difficiles. « Il faut éviter que cette nouvelle génération devienne une main-d’œuvre de la mort », avertissent les responsables locaux.