Dans une interview accordée à La Tribune Dimanche, la ministre a souligné qu’il était nécessaire de corriger certains « dysfonctionnements relationnels » avec la grande distribution, citant des pratiques où certains acteurs exercent une pression « déraisonnable » sur les prix, en particulier via les centrales d’achat européennes, afin de contourner les règles de la loi.
Votée en 2018, la loi Egalim avait pour objectif de protéger les agriculteurs en garantissant qu’une partie de l’augmentation des coûts de production soit répercutée sur le prix de vente des produits alimentaires. Cependant, le dispositif a rencontré des difficultés de mise en œuvre. Selon Annie Genevard, la législation doit désormais évoluer pour prendre en compte de nouvelles réalités économiques, comme les hausses des coûts liés à l’énergie, au transport et aux emballages, qui impactent les producteurs agro-industriels. « Légiférer sert à ajuster le dispositif en fonction de la réalité », a-t-elle affirmé.
La loi Egalim 2 et ses limites
Promulguée en octobre 2021, la loi Egalim 2 visait à renforcer la protection des producteurs agricoles, en particulier pour la matière première agricole, notamment dans le secteur du lait. Si le coût de production du lait augmente, l’industriel est censé payer plus cher, et cette hausse devrait être répercutée sur les prix en grande distribution. Mais la mise en œuvre de la loi a révélé des complexités. De nombreux agriculteurs et acteurs du secteur considèrent qu’elle ne répond pas pleinement aux enjeux du secteur.
Pour la ministre, une des évolutions de la loi pourrait être de « protéger en partie aussi la matière première industrielle », en prenant en compte les hausses de prix subies par les fabricants en raison des coûts liés à l’énergie ou au transport. Cette idée, bien qu’ayant pour but de mieux équilibrer les relations économiques entre les différents acteurs de la chaîne, ne fait pas l’unanimité. Certains représentants des grandes surfaces et des agro-industriels plaident pour la préservation des marges de négociation actuelles et préfèrent une stabilité de la législation, plutôt qu’une nouvelle évolution.
Un appel à une “respiration” pour le secteur agricole
La ministre a également rappelé la nécessité d’un « moment de respiration » pour le monde agricole, après « une année de crises terribles ». Elle a exprimé l’espoir que les négociations commerciales en cours, qui doivent se conclure d’ici au 1er mars, permettront d’éclairer les contours du projet de loi, qui pourrait être présenté cet été. Ce contexte est d’autant plus sensible que les élections syndicales récentes ont montré une montée en puissance de la Coordination rurale, un syndicat très critique de la gestion actuelle des relations entre l’État et les organisations agricoles traditionnelles comme la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs.
Des dirigeants de la grande distribution, souvent sous le feu des critiques des agriculteurs, se rendront au Salon de l’Agriculture, qui se tiendra à Paris à partir de la semaine prochaine. Ce sera l’occasion pour la ministre Genevard de réitérer son appel à un dialogue constructif, tout en affirmant que, malgré les divergences, les organisations professionnelles, y compris la Coordination rurale, auront leur place dans les discussions à venir.
Annie Genevard semble ainsi vouloir ouvrir un nouvel espace de négociation, afin de rendre les relations entre producteurs agricoles et grandes surfaces plus équilibrées, tout en tenant compte des réalités économiques actuelles du secteur.