Christophe Ruggia condamné à 4 ans de prison pour agressions sexuelles sur Adèle Haenel : un verdict qui secoue le cinéma français

Adele Haenel et Vincent Rottiers, dans « Les Diables » en 2002. Alta - Lazennec Films

Le verdict est tombé. Ce lundi 3 février, Christophe Ruggia, réalisateur de 60 ans, a été reconnu coupable d’agressions sexuelles sur l’actrice Adèle Haenel, alors âgée de 12 ans au moment des faits. Condamné à quatre ans de prison, dont deux ferme à effectuer sous bracelet électronique, le cinéaste a annoncé son intention de faire appel, par la voix de son avocate, Fanny Collin. Ce procès, qui a tenu le monde du cinéma en haleine, marque un nouveau chapitre dans l’histoire du #MeToo en France.

Les faits : une emprise qui dure deux ans

Les événements remontent à 2001, peu après le tournage du film Les Diables, dans lequel Adèle Haenel tenait l’un des rôles principaux. Selon les accusations, les agressions se sont déroulées au domicile du réalisateur, sous prétexte de préparer la promotion du film. Elles auraient duré deux ans, se répétant presque tous les samedis après-midi, pendant les années de quatrième et troisième de l’adolescente. Adèle Haenel avait dénoncé ces actes publiquement dans Mediapart en 2019, avant de porter plainte.

Lors des audiences des 9 et 10 décembre, l’actrice, aujourd’hui en retrait du cinéma, a décrit avec une précision glaçante le déroulement des agressions. Assise sur un canapé, elle a raconté comment Christophe Ruggia se rapprochait d’elle, sous couvert de conversations anodines, avant de poser ses mains sous son t-shirt et dans son pantalon. Après chaque séance, le réalisateur lui offrait un goûter – des Fingers blancs et de l’Orangina – avant de la ramener chez ses parents.

Un procès sous haute tension

Face à la barre, Adèle Haenel, droite et déterminée, a évoqué l’emprise psychologique exercée par Ruggia, qui se présentait comme son « créateur » et prétendait avoir « eu le malheur de tomber amoureux d’elle », une « adulte dans un corps d’enfant ». De son côté, le réalisateur a nié toute attirance pour l’actrice, affirmant que ces accusations étaient motivées par une « vengeance » liée à son refus de la faire jouer à nouveau. Il a également suggéré que cette affaire était devenue un symbole pour lancer le #MeToo français.

La tension a atteint son paroxysme lors de la deuxième journée d’audience. Alors que Ruggia tentait de justifier ses actes en évoquant une volonté de « protéger » l’adolescente des retombées du film, Adèle Haenel a explosé. Bondissant de son siège, elle a crié : « Mais ferme ta gueule !« , frappant la table devant elle. Une scène rare dans une salle d’audience, qui a laissé l’assistance médusée.

La défense de Ruggia contesté

La défense de Christophe Ruggia a tenté de déconstruire les accusations en invoquant des « fausses convictions » et un « effet de contamination » entre les témoins, attribué à la médiatisation de l’affaire. Son avocate, Fanny Collin, a déploré que la justice ait été rendue « le pistolet sur la tempe« , sous la pression de l’opinion publique. Elle a également rejeté l’idée d’un « amour amoureux » entre le réalisateur et l’actrice, insistant sur l’absence de preuves tangibles.

En revanche, l’avocate d’Adèle Haenel, Anouck Michelin, a dénoncé les tentatives de Ruggia pour « salir » la réputation de sa cliente. Elle a surtout choisi de mettre en lumière la souffrance de l’enfant que fut Adèle Haenel, lui adressant des mots empreints d’émotion : « Tu as 12 ans et tu n’as rien fait de mal. Rassure-toi, le cinéma et le jeu ne s’arrêtent pas pour les diamants comme toi. Quand tu seras grande, tu seras une grande actrice. »

Un verdict qui résonne au-delà du tribunal

À l’issue de ces deux journées éprouvantes, Adèle Haenel a quitté le tribunal sous les applaudissements, tandis que Christophe Ruggia, lui, fait face à une condamnation qui pourrait marquer la fin de sa carrière. Ce procès, au-delà de son issue judiciaire, a mis en lumière les mécanismes de l’emprise et la difficulté pour les victimes de briser le silence.

Il restera sans doute comme un tournant dans l’histoire du #MeToo en France, rappelant que le cinéma, comme tant d’autres secteurs, doit encore faire face à ses démons. Alors que le réalisateur prévoit de faire appel, l’affaire continue de résonner, interrogeant les pratiques et les silences d’une industrie en pleine mutation.